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Le Sénat italien, dominé par la droite de Silvio Berlusconi, a adopté jeudi 10 juin, au cours d'un vote de confiance boycotté par l'opposition, une loi controversée limitant fortement l'utilisation des écoutes téléphoniques dans les enquêtes de la justice. Pour entrer en vigueur, la loi doit être adoptée dans les mêmes termes par la Chambre des députés, puis signée par le président de la République.
Selon la majorité de Silvio Berlusconi, cette loi est nécessaire pour protéger la vie privée des citoyens, qui voient trop souvent leur nom apparaître dans les journaux dans le cadre de fréquentes fuites d'écoutes. "Cette loi est une cochonnerie et la démocratie est en jeu", a pourtant tonné Felice Belisario, chef des sénateurs du parti d'opposition Italie des valeurs (IDV) de l'ex-magistrat Antonio Di Pietro. Des députés IDV ont dormi au Sénat en signe de protestation. "Vous voulez cacher vos affaires et l'utilisation que vous faites de l'argent public ; vous dites vouloir protéger la vie privée mais c'est pour que le peuple reste aveugle et ignare", a lancé Anna Finocchiaro, présidente des sénateurs du Parti démocrate (principal parti d'opposition), en annonçant le boycottage du vote.
Une des mesures les plus critiquées est celle prévoyant la limitation des écoutes téléphoniques à 75 jours. Ce délai peut être prolongé de trois jours en trois jours. Mais cette prorogation doit être approuvée à chaque fois par un collège de trois juges, un mécanisme complexe, critiqué aussi bien par la justice que par la police. De lourdes amendes allant jusqu'à 450 000 euros pour la publication d'écoutes téléphoniques dans les médias ont par ailleurs soulevé les protestations des éditeurs et des journalistes.
LOI ASSOUPLIE POUR LES JOURNALISTES
En mai, le gouvernement avait, sous la pression d'une partie de l'opinion et de la presse, revu en partie ce projet de loi. Le texte interdit également la divulgation dans les médias de tout acte judiciaire pendant une enquête et avant un procès, et les éditeurs de journaux qui contreviendraient à cette disposition risquent de lourdes peines : deux mois de prison et un maximum de 464 700 euros. Mais une première mouture de la loi prévoyait, pour les journalistes, une amende de 20 000 euros et un maximum de 60 jours de prison. Les parlementaires de la majorité avaient finalement accepté de réduire de moitié ces amendes.
Pour l'opposition, la majorité veut par cette loi museler la presse et éviter qu'éclatent des affaires comme celle qui touche actuellement le chef de la Protection civile, Guido Bertolaso, un protégé de M. Berlusconi, soupçonné de corruption dans l'attribution de marchés publics. Le scandale a déjà coûté son poste au ministre du développement économique, Claudio Scajola, accusé d'avoir en partie payé son appartement avec l'argent de Diego Anemone, un entrepreneur arrêté pour corruption.
Forcé de démissionner, le ministre s'était défendu en arguant que quelqu'un avait versé "à son insu" l'argent de l'achat, une ligne de défense qui avait à l'époque fait la joie des émissions comiques. En juillet 2004, il était devenu propriétaire d'un appartement de 180 m2 avec vue sur le Colisée, pour, officiellement, 610 000 euros, un montant dérisoise selon les experts. Pour les enquêteurs, il aurait ajouté 900 000 euros "au noir", comme c'est l'habitude en Italie pour payer moins d'impôts.
ACHATS D'APPARTEMENTS ET PRESTATIONS SEXUELLES
Mais cette somme avait laissé des traces embarrassantes et, selon les enquêteurs, Claudio Scajola, à l'époque ministre pour la réalisation du programme du gouvernement Berlusconi, était l'un des bénéficiaires du système de corruption mis au point par un groupe d'entrepreneurs et de fonctionnaires. En échange de l'attribution de juteux marchés publics, ils offraient des faveurs aux personnalités politiques qui pouvaient leur être utiles. Faveurs sous forme d'aides pour l'achat d'appartements, la réalisation de travaux privés ou même des prestations sexuelles.
Le Monde - 10.06.10
Le Sénat italien, dominé par la droite de Silvio Berlusconi, a adopté jeudi 10 juin, au cours d'un vote de confiance boycotté par l'opposition, une loi controversée limitant fortement l'utilisation des écoutes téléphoniques dans les enquêtes de la justice. Pour entrer en vigueur, la loi doit être adoptée dans les mêmes termes par la Chambre des députés, puis signée par le président de la République.
Selon la majorité de Silvio Berlusconi, cette loi est nécessaire pour protéger la vie privée des citoyens, qui voient trop souvent leur nom apparaître dans les journaux dans le cadre de fréquentes fuites d'écoutes. "Cette loi est une cochonnerie et la démocratie est en jeu", a pourtant tonné Felice Belisario, chef des sénateurs du parti d'opposition Italie des valeurs (IDV) de l'ex-magistrat Antonio Di Pietro. Des députés IDV ont dormi au Sénat en signe de protestation. "Vous voulez cacher vos affaires et l'utilisation que vous faites de l'argent public ; vous dites vouloir protéger la vie privée mais c'est pour que le peuple reste aveugle et ignare", a lancé Anna Finocchiaro, présidente des sénateurs du Parti démocrate (principal parti d'opposition), en annonçant le boycottage du vote.
Une des mesures les plus critiquées est celle prévoyant la limitation des écoutes téléphoniques à 75 jours. Ce délai peut être prolongé de trois jours en trois jours. Mais cette prorogation doit être approuvée à chaque fois par un collège de trois juges, un mécanisme complexe, critiqué aussi bien par la justice que par la police. De lourdes amendes allant jusqu'à 450 000 euros pour la publication d'écoutes téléphoniques dans les médias ont par ailleurs soulevé les protestations des éditeurs et des journalistes.
LOI ASSOUPLIE POUR LES JOURNALISTES
En mai, le gouvernement avait, sous la pression d'une partie de l'opinion et de la presse, revu en partie ce projet de loi. Le texte interdit également la divulgation dans les médias de tout acte judiciaire pendant une enquête et avant un procès, et les éditeurs de journaux qui contreviendraient à cette disposition risquent de lourdes peines : deux mois de prison et un maximum de 464 700 euros. Mais une première mouture de la loi prévoyait, pour les journalistes, une amende de 20 000 euros et un maximum de 60 jours de prison. Les parlementaires de la majorité avaient finalement accepté de réduire de moitié ces amendes.
Pour l'opposition, la majorité veut par cette loi museler la presse et éviter qu'éclatent des affaires comme celle qui touche actuellement le chef de la Protection civile, Guido Bertolaso, un protégé de M. Berlusconi, soupçonné de corruption dans l'attribution de marchés publics. Le scandale a déjà coûté son poste au ministre du développement économique, Claudio Scajola, accusé d'avoir en partie payé son appartement avec l'argent de Diego Anemone, un entrepreneur arrêté pour corruption.
Forcé de démissionner, le ministre s'était défendu en arguant que quelqu'un avait versé "à son insu" l'argent de l'achat, une ligne de défense qui avait à l'époque fait la joie des émissions comiques. En juillet 2004, il était devenu propriétaire d'un appartement de 180 m2 avec vue sur le Colisée, pour, officiellement, 610 000 euros, un montant dérisoise selon les experts. Pour les enquêteurs, il aurait ajouté 900 000 euros "au noir", comme c'est l'habitude en Italie pour payer moins d'impôts.
ACHATS D'APPARTEMENTS ET PRESTATIONS SEXUELLES
Mais cette somme avait laissé des traces embarrassantes et, selon les enquêteurs, Claudio Scajola, à l'époque ministre pour la réalisation du programme du gouvernement Berlusconi, était l'un des bénéficiaires du système de corruption mis au point par un groupe d'entrepreneurs et de fonctionnaires. En échange de l'attribution de juteux marchés publics, ils offraient des faveurs aux personnalités politiques qui pouvaient leur être utiles. Faveurs sous forme d'aides pour l'achat d'appartements, la réalisation de travaux privés ou même des prestations sexuelles.
Le Monde - 10.06.10
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